NOTES

 

Du moins ne l'est-elle par aucun de ceux auxquels nous nous sommes reporté, Villemain, Guizot, Schlegel et François-Victor Hugo. Voici sur ce sujet, pour qu'on apprécie la justesse et l'originalité de Hugo, le verbiage de Guizot (ouvrage cité, p. 205-206):

« Mais Shakspeare a fait bien davantage: sous sa main la folie de Hamlet devient tout autre chose que la préméditation obstinée ou l'exaltation mélancolique d'un jeune prince du moyen-âge placé dans une situation périlleuse et plongé dans un sombre dessein: c'est un grave état moral, une grande maladie de l'âme qui, à certaines époques et dans certaines conditions de l'état social et des moeurs, se répand parmi les hommes, atteint souvent les mieux doués et les plus nobles, et les frappe d'un trouble quelquefois bien voisin de la folie. Le monde est plein de mal, de toutes sortes de mal. Que de souffrances et de crimes, et d'erreurs fatales, quoiqu'innocentes! Que d'iniquités générales et privées, éclatantes et ignorées! Que de mérites étouffés ou méconnus, perdus pour le public, à charge pour leurs possesseurs! [...] La vie est si courte et pourtant si agitée, tantôt si pesante et tantôt si vide! [...] A ceux qui ne voient que cette face du monde et de la destinée humaine, on comprend que l'esprit se trouble, que le coeur défaille, et qu'une mélancolie misanthropique devienne une disposition habituelle qui les jette tout à tour dans l'irritation ou dans le doute, dans le mépris ironique ou dans l'abattement.

Ce n'était point là, à coup sûr, la maladie des temps où la chronique fait vivre Hamlet, ni de celui où vivait Shakspeare lui-même. Le moyen-âge et le XVI° était des époques trop actives et trop rudes pour que ces contemplations amères [...]. 

Ce malaise douloureux, ce trouble profond que porte dans l'âme une si sombre et si fausse appréciation des choses en général et de l'homme lui-même, et qu'il ne rencontrait guère dans son propre temps, ni dans les temps dont il lisait l'histoire, Shakspeare les a devinés et en a fait la figure et le caractère de Hamlet. » Bref, Shakespeare anticipe le « mal du siècle ».

François-Victor Hugo ne fait pas beaucoup mieux.